La Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et l'Organisation mondiale contre la torture (OMCT), dans le cadre de l'Observatoire pour la protection des défenseurs des droits humains, ainsi que l'Association mauritanienne des droits de l'homme (AMDH), ont dénoncé une vague d'arrestations et de détentions qui, selon elles, a visé au cours des six derniers mois un certain nombre de défenseurs des droits des migrants et d'activistes anti-esclavagistes en Mauritanie, considérant cela comme un indicateur de « l'élargissement du cercle de fermeture de l'espace civique » dans le pays.
Les organisations ont indiqué qu'un certain nombre de membres de l'Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste (IRA) ont été poursuivis et détenus, notamment :
• La journaliste et activiste Warda Ahmed Souleymane, arrêtée le 31 octobre 2025 à son domicile par des agents en civil, avant d'être présentée au procureur puis au juge d'instruction du pôle chargé du terrorisme et de la sécurité de l'État, où elle a été accusée d'« incitation à l'insurrection » et de « diffusion de fausses nouvelles électroniquement », et placée sous contrôle judiciaire.
Les organisations estiment que son arrestation est liée à sa participation, en tant que représentante de l'IRA, à la 85e session de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples à Banjul, où elle a dénoncé la « discrimination contre les Mauritaniens noirs » et appelé à une « conscience civique pacifique ».
• Youssef Camara, activiste et « lanceur d'alerte » sur les violations, arrêté le 17 septembre 2025 à son domicile sans mandat d'arrêt, et placé en prison civile après six jours de détention secrète. Il a été accusé, entre autres, d'« incitation à la haine », de « violence » et d'« utilisation abusive de données », et risque une peine pouvant aller jusqu'à trois ans de prison.
Les organisations estiment que son arrestation est liée à ses critiques publiques du « mauvais traitement des migrants d'Afrique de l'Ouest » par certains éléments des forces de sécurité.
• Abdoulaye Ba, responsable du comité de l'immigration de l'IRA, arrêté le 26 avril 2025, et condamné par le tribunal à un an de prison, dont six mois fermes, et à une amende de 200 000 nouvelles ouguiyas, avant d'être de nouveau arrêté après sa libération provisoire, pour être finalement libéré le 29 octobre 2025 après avoir purgé sa peine.
Les organisations ont également signalé l'arrestation d'autres activistes du mouvement à différentes périodes de l'année 2025.
Les organisations de défense des droits humains estiment que ces arrestations s'inscrivent dans une « longue approche de répression des voix critiques », en particulier celles engagées dans la lutte contre l'esclavage et la discrimination et la défense des droits des migrants d'Afrique de l'Ouest.
Elles ont expliqué que le mois de mars 2025 a été marqué par une vaste campagne d'expulsion de centaines de migrants, principalement du Mali et du Sénégal, « de manière arbitraire et accompagnée de violence », dans le cadre du renforcement de la coopération entre la Mauritanie et l'Union européenne en matière de contrôle de l'immigration.
Le communiqué a critiqué le cadre juridique mauritanien, en particulier la loi sur la protection des symboles (2021-021), dont les organisations ont déclaré que sa formulation « vague » permettait de « l'utiliser pour réprimer la liberté d'expression et la critique ».
Le communiqué a également rappelé les observations du Comité des Nations Unies pour les droits économiques, sociaux et culturels en mars 2024, qui a exprimé sa préoccupation concernant la restriction des défenseurs des droits humains, en particulier ceux travaillant sur les questions d'anti-esclavage et de discrimination.
Les trois organisations ont demandé au gouvernement mauritanien de :
• Libérer immédiatement tous les activistes détenus arbitrairement,
• Mettre fin au harcèlement et aux poursuites contre les défenseurs des droits des migrants et les activistes anti-esclavagistes ;
• Garantir leur intégrité physique et psychologique ;
• Accélérer l'adoption d'une loi globale pour la protection des défenseurs des droits humains en concertation avec la société civile.
Elles ont souligné que la protection des défenseurs des droits fondamentaux constitue un engagement international de la Mauritanie qui doit être respecté pour garantir un environnement civique ouvert et équilibré.
